Sabratha.
J'ai retrouvé mes camarades. Ils ont été désarmés et informés qu'ils n'étaient pas autorisés à rester en Afrique Française du Nord. Ils ont été envoyés en exil à Sabratha en Libye. Ils ont été envoyés là avec l'autorisation de prendre seulement un sac de couchage, sans vêtements de rechange, sans tentes, avec rien. Même leur antenne chirurgicale a été exilée! Parce qu'ils étaient des "traîtres" le gouvernement d'Afrique Français du Nord a refusé de fournir la nourriture. En solidarité avec nous, la 8ème Armée Anglaise nous ont donné des vivres. J'ai retrouvé mes camarades de la France Libre buvant le thé au lieu de café.
Parce que nos vies étaient tellement bouleversées, j'ai été accueilli comme si nous ne nous étions pas vus depuis quelques jours. Ils s'attendaient à me revoir avec la même certitude que j'avais que j'allais les revoir. Ça a été un bon moment. En quelques minutes j'ai repris ma place comme si j'avais toujours été là. J'ai retrouvé le Lieutenant Michard. Il avait mon sac de couchage et mes quelques affaires. Hélas le Capitaine Ratard était parti. Il y avait beaucoup de nouvelles figures.
On m'a parlé du Capitaine De Witasse et de toute son épopée pour nous rejoindre. Je me suis présenté et il m'a dit que le Lieutenant lui avait parlé de moi et qu'il devait être content que je sois de retour.
Notre camp était dans une oasis sous des palmiers. Mes camarades avaient fait une baraque en bois pour le Lieutenant Michard et, comme nous dormions n'importe où dans le sable, j'ai mis mon sac de couchage à côté de sa baraque et je dormais là chaque nuit. Il n'y avait aucune habitation à l'oasis. Nous avons fait l'entraînement, autrement la vie était monotone mais, nous avions pris beaucoup de patience depuis notre départ d'Angleterre et, nous savions maintenant que notre but, qui au début semblait impossible, se reprochait.
A Sabratha il y avait beaucoup d'amertume. Après tout que nous avions supportés, il avait semblé que nous serions oublié, et les hommes qui avaient évité de combattre étaient traité avec faveur. On nous a dit que nous ne pourrions pas aller en Tunisie et à la civilisation. Nous avons dû rester dans le désert Tripolitain plusieurs mois à côté de la mer, au plein air nuit et jour, avec notre poussière, notre puits d'eau et surtout nos mouches. Nous nous demandions ce qui allait nous arriver. Nous savions que pour le moment on ne voulait pas de nous en Afrique du nord. Nous étions calme mais en colère. En dépit de notre amertume, le moral n'a pas échoué.
Il y avait environ d'un millier de nous là. Nous avons retrouvé des camarades que nous avions connu à Camberley parmi des régiments aux alentours de nous, celui qui a été envoyé à Syrie quand nous sommes allé en l'AEF. Certains étaient membres de la première compagnie de chars, qui avaient souffert beaucoup d'accidents en combattant les Français de Vichy en Syrie. D'autres étaient de Bir Hakeim. J'ai entendu parler de ceux qui étaient mort dans ces batailles.
Nous avons été rejoints par d'autres hommes qui ont voulu combattre sous le commandement du Général de Gaulle. Certains d'entre eux s'étaient échappés des camps allemands, de prison, d'autres s'étaient échappés de Vichy France à travers l'Espagne, et d'autres avaient abandonné l'AFN ["Armée Française National"]. Nous avons accepté en tant qu'entièrement raisonnable l'explication que jusque-là, nous étions trop éloignés pour qu'elles nous joignent. Plusieurs de nos hommes ont eu des familles sous occupation allemande et ainsi ont dû employer des noms assumés.
Nos officiers nous parlait de temps à autre. Le Général Leclerc nous a rendu visite et était très paternel envers nous. Pour nous tous, il était "un bon type". Il voulait que ses officiers soient très près de leurs hommes, et il a pratiqué cela lui-même. Mais mieux et faire frémir tous, il nous a dit «Je vous promets que je vous ramènerai de nouveau dans la France. Plus que ça, je vous promets que nous libérerons Paris et Strasbourg». Nous n'avons jamais douté de que ceci se produirait. C'était la force de notre foi dans Leclerc.
Inévitablement la nourriture était médiocre et nous étions en compétition avec des mouches pour manger. Il fallait absolument manger d'une main et chasser les mouches de l'autre pour ne pas manger de mouches. Le matin, si on tournait le dos au soleil, pendant une ou deux minutes notre dos était complètement couvert de mouches.
Nous nous entraînions avec des chars "Crusader" anglais, (La 8ème Armée Anglaise nous a donné quelques "Crusaders" pour nous aider à maintenir notre entraînement) et nous suivions beaucoup de cours théorétique pour nous perfectionner. J'ai suivi un cour de déminage parmi d'autres et les semaines à Sabratha sont devenues des mois.
Les FFL avait été abandonnés dans le désert et nous savions que quelque chose ne marchait pas bien parmi les alliés en Afrique du nord et que les Américains avait fait venir le Général Giraud de France car Roosevelt ne voulait pas le Général De Gaulle. [ Il y avait une lutte politique entre les anglais, les américains, l'ex-Vichy et de Gaulle. Une affaire a été faite et aucune nouvelle recrue n'a été autorisée à joindre le FFL. Au lieu de nouvelles recrues, il y avait maintenant quelques résurrections très mystérieuses! De nouvelles recrues ont été inscrites avec le nom d'un soldat FFL mort ou longtemps parti. ]
Tous les soirs nous allions par camion à la plage et c'était le meilleur moment de chaque jour. La plage était assez loin de Sabratha. Il y avait au bord de la mer un superbe théâtre romain où nous avons eu un ou deux concerts. Autrement il n'y avait absolument rien.
J'ai eu des abcès à un bras et le docteur qui était avec nous depuis longtemps les a lancé, a froid ! Mon camarade Émile Fray est tombé malade avec une très forte fièvre [ Émile à dit qu'il fut "Blackwater Fever" ]. Notre docteur est venu et a dit qu'il avait une bilieuse. Il était le troisième et nos deux autres camarades en étaient morts. J'étais dans les environs et le docteur m'a dit de tirer de l'eau du puits et de tremper deux couvertures dans cette eau froide. Après quoi il a roulé Émile dans les deux couvertures pour lui faire tomber la fièvre car il était entrain de mourir. Je ne me souviens pas avoir vu Émile réagir du tout mais puisqu'il est toujours vivant ce premier remède a réussit.
Il a été évacué dans l'hôpital de compagnie qui était prés de nous. C'était simplement des longues guitounes sur le sable et il faisait énormément chaud. J'allais voir Émile de temps en temps. Il était très malade et dans un délire permanent. Au bout de quelques jours il m'a reconnu. Il était très faible et sa complexion était jaune. Le moindre mouvement était un effort et il n'avait pas la force de parler. J'avais peur pour lui. J'ai mis ma figure prés de la sienne. Je lui ai dit qu'il commençait à aller mieux, que ce n'était pas le moment de céder, et qu'il fallait qu'il se batte de toute sa volonté. Il m'a donné une réponse positive avec sa tête. Je suis revenu plusieurs fois. C'était triste de trouver ce camarade dans cette guitoune si chaude et avec un manque presque total de confort. Il a du rester là bien des jours ou peut-être plusieurs semaines et j'ai appris qu'il avait été évacué sur un hôpital, en Tunisie je crois. J'ai eu la grande joie de le revoir des mois plus tard. Il était guéri. Je n'ai jamais eu l'impression qu'il se souvenait de mes visites ou de mes paroles. Ce n'est pas surprenant car il était à l'article de la mort la plupart du temps.
Après environ trois mois nous avons été informés que nous allions rentrer en Afrique Française du Nord. La compagnie quitte ses chars Crusader à Sabratha et voyagé par camions à Gabès en Tunisie. De là, nous avons pris un train tout au long de la côte d'Afrique du Nord à Casablanca, où nos nouveaux chars Sherman nous attendait. L'entier voyage en train a été faite dans les camions de bétail, mais au moins on pouvait se coucher en eux. [ Le règle de l'AFN, interdisant les Français Libres d'utiliser les transports publics est resté.] Il est bon de manger le beau raisin, que nous pourrions acheter en Afrique du Nord. Mieux encore pour allumer un robinet à divers arrêts.
Nous mettons nos 17 Sherman chars en bon état de fonctionnement et conduit à leur retour à Rabat en Maroc pour joindre une division blindée composée des Français Libres et Vichy Français, parce qu'il y avait trop peu d'entre nous pour constituer une division par nous-mêmes.
Nous avons appris que nous ferions partie du 501ème RCC ["Régiment de Chars de Combat"], avec la première compagnie qui était partie avant nous d'Angleterre et la troisième compagnie qui était partie de Camberley après nous. Les trois compagnies de chars du régiment étaient là.
Bien que nous avions été sujet à des insulte et déshonneur aux mains des Vichy et américains, nous étions contents de reprendre notre tâche. De Gaulle prendrait l'avantage. Il est devenu chef du gouvernement provisoire français en Afrique Français du Nord. Il a nommé Général Leclerc responsable de la Deuxième Division Blindée. Avec la fusion des Vichy Français et Français Libre, De Gaule a décrété que, la première tâche finie, les Forces Français Libre seraient dispersés. Mais nous ne pourrions pas cesser d'être les volontaires de 1940. Tous les anciens volontaires a continué à porter les insignes Français Libre. On n'en a pas parlé parce que De Gaulle et Leclerc a continué à porter leurs insignes FFL!
Un beau jour le Capitaine De Witasse avec qui nous avions ......
[Fin de la page 81 de cette liasse de notes. 3 pages suivantes perdues.]
Le Lieutenant Michard avait eu occasion d'aller adresser un régiment voisin. Je ne sais à quel sujet. Il est revenu très en colère, car il lui était évident que ce régiment était resté fidèle au Maréchal Pétain. Il y a eu un échange de paroles et finalement, m'a-t-il dit, son audience lui a chanté "Maréchal Nous Voilà" quand il se retirait du campement. Il s'est arrêté et leur a dit qu'ils étaient des Nazis.
Nous avons dû créer bien des problèmes aux Officiers FFL, car nous refusions de saluer les officiers de tous rangs de l'AFN. Je ne crois pas avoir pris cette décision avec des camarades, mais elle a été automatique. Le fait est que quand nous sortions à Rabat où, que nous rencontrions un officier de l'AFN, personne ne saluait la compagnie. Je ne sais ce qui a été dit dans l'état major, mais après très peu de temps, cette situation a été acceptée. Les premiers temps je m'arrêtais et j'avais avec eux une explication polie, mais ferme. Je m'étais engagé dans les FFL et je ne saluais que les officiers de la France Libre pour lesquels j'éprouvais une confiance totale. C'était fort embarrassant. Ensuite, je continuais mon chemin. Parfois, j'étais rappelé, mais je ne revenais jamais. Quand nous étions plusieurs, l'un parlait au nom de tous. Au bout de quelque temps, on a cessé de nous arrêter. Je ne me souviens pas qu'un seul Officier FFL nous ait fait de reproches. Le Lieutenant Michard nous a toujours soutenus à ce sujet. La mémoire est plutôt triste à ce sujet mais nous n'avions pas accepté le rôle de l'AFN. Cela a causé beaucoup de problèmes mais nous avons tenu. Tout c'est remis en place avec le combat ensemble.
Quand nous étions a Rabat j'ai appris qu'une équipe de football avait été formée pour représenter la DB dans un match. Mes camarades et le Capitaine de Witasse surtout qui était bon footballeur lui-même, m'avaient fait l'honneur d'être le capitaine de l'équipe. Nous avions joué beaucoup de match contre les Anglais, Belges et autre et nous prenions cela au sérieux. Nous étions très entraînés et nous avions parmi nous quatre ou cinq très bons joueurs.
J'ai été étonné d'apprendre qu'une équipe avait été sélectionnée sans que la compagnie ou même le régiment ait eu l'opportunité de participer à un match pour sélectionner l'équipe de la DB. Quoique cela soit sans doute regrettable j'ai fait des démarches pour savoir qui à la DB était responsable pour sélectionner et entraîner l'équipe, sans en parler à un de nos officiers. Quand j'ai su, je suis allé trouve le commandant responsable. Je ne me rappelle pas de son nom. Je lui est dit que j'avais eu l'honneur d'être le capitaine de l'équipe de la Deuxième Compagnie et que je me demandais quand mes camarades auraient l'opportunité de jouer devant lui pour décider s'il y avait parmi nous des joueurs assez bons pour être sélectionnés.
Sachant que si je ne le saluais pas d'abord une conversation n'aurait pas lieu, je l'avais salué et il m'avait répondu. Son attitude n'a pas été sympathique quoi qu'il ait été très aimable. Il m'a dit qu'il existait une équipe. Je lui ai demandé comment elle avait été sélectionnée. Il m'a dit qu'elle existait auparavant. Je lui ai demandé comment, n'ayant pas vu mes camarades de la Deuxième Compagnie jouer, il savait qu'il avait les meilleurs joueurs possibles et, que certains de mes camarades étaient très bons joueurs et avaient représenté la France pendant trois ans. Il m'a dit que l'équipe de la DB existait déjà et que la conversation était finie.
Il a été question de donner des noms à nos chars et la décision a été de les nommer après les victoires de Napoléon. Le Lieutenant Michard ne voulait pas de noms étrangers et surtout allemand sur les chars de sa section et il était fermement décidé à ce sujet là. Je ne sais pas les détails mais, il fallait des noms français sur les chars de sa section. Ça été des victoires de Napoléon mais les cinq chars ont été nommés après des victoires qui ont précédé la grande défaite et retraite en France; Montmirail, Romilly, Champaubert, Arcis Sur Aube et Montereau !
Dès notre arrivée au Maroc où étaient tous les autres régiments de la DB, il nous est parvenu une décision nous attribuant le style de Régiment de Cavalerie. Nous ne voulions pas être cavalerie. Nous étions des chars. Nous avions trois compagnies et pas trois escadrons. Je ne sais pas les détails toujours est-il que nous sommes restés le Régiment de Chars comme le 501 avait toujours été.
Les "Liberty Ships".
Nous sommes repartis sur Casablanca presque trois ans après notre départ d'Angleterre en bien petit nombre, toute une division française était en route pour ce même pays. Notre embarquement sur des "liberty ships", des bateaux qui, nous avons vite compris flottait sur les vagues, a été fait sur une très mauvaise mer. Il a fallu du sang froid et de la bonne conduite de char pour conduire les chars dans le bateau parce qu'ils montaient et descendaient d'environ d'un mètre sur les vagues. [Je pense qu'ils ont utilisés les LST "Landing Ship Tank". Ce sont des très grands bateaux pour le débarquement, avec des grandes portes à la proue.]
Nous sommes restés très peu de temps en rade à Casablanca. Je ne me rappelle pas du nombre de Liberty Ships mais il y en avait beaucoup. Les chars étaient maintenus par des chaînes sur le fond du bateau et nos couchettes étaient sur le côté. Il n'y avait pas de réfectoire, nous mangions sur place et, sans table.
Je suis monté sur le pont avec quelques camarades pour dire au revoir à l'Afrique et à la sortie de la rade j'ai vu le bateau de guerre qui allait être notre seule escorte. La raison était simple. Les Liberty Ships étant plat, nous ne pouvions pas être torpillés. Notre séjour sur le pont a été bref. La mer était mauvaise et le bateau montait et descendait avec les vagues qui étaient considérables. Le voyage a pris presque deux semaines car nous avons dû fait un grand détour pour éviter les côtes françaises et le danger d'attaque aérienne.
De notre embarquement à notre débarquement je n'ai pas vu un seul officier ou marin américain et je pense que l'équipage n'était pas nombreux.
Comme beaucoup de mes camarades j'ai eu le mal de mer dans les premières heures et, ceux qui n'étaient pas malades au début nous ont rejoint assez vite. Nous étions tous sur nos couchettes et nous ne mangions pas. La grande difficulté question nourriture était que les conserves américaines ne nous plaisaient pas et ne pouvait pas passer. Nous ne mangions pour ainsi dire rien et au bout de deux ou trois jours un ou deux camarades se sont dévoués pour aller à la cuisine, vider les boîtes de conserve dans une popote ayant retirer la sauce américaine et faite une sauce un peut plus à notre goût. Nous avons mangé un peu et avons continué à être malade. Le seul camarade que j'ai vu debout pendant tout le voyage a été Jean Kermel, un Breton !
Nous étions obligés d'aller une ou deux fois par jour pour resserrer les chaînes qui maintenait les chars, autrement il y aurait eu des dégâts terribles. Nous le faisions malgré que nous ne tenions pas debout par faiblesse. Au bout de quelques jours je suis monté sur le pont pour prendre un peut d'air et pour sortir de l'atmosphère dégoûtante dans laquelle nous étions. La mer était très mauvaise et les vagues très profondes. Le bateau de guerre était toujours là et les Liberty Ships prés de nous paraissait petit dans les vagues. Je ne recommande pas un voyage dans l'Atlantique en avril.
Nous étions couché en étage sur le côté de bateau qui était très évidemment de fer ! Nous avons été heureux de voir Port Talbot, Pays de Galles, et nous nous sommes vite remis une fois sortie du bateau. Pour ceux d'entre nous qui étaient partis d'Angleterre en avril 1941 ça a été un moment très spécial car nous nous étions parfois demandés si vraiment nous allions réussir quand les allemands battaient tout devant eux en Russie. Nous avions eu raison.
Gaston Eve.