Voyage en Égypte par le Soudan.
Un beau jour nous avons appris que nous partions pour l'Égypte et la Libye. Ça a été un grand moment car nous savions que la première étape était finie. Nous étions tous content. Ça a été au revoir à Auvergne et tous nos chars que nous avions si précieusement entretenus et soignés.
Le jour de notre départ nous étions debout vers 2 heures à 2h 30 du matin. Nous savions que nous allions passer par El Obeid et que la première partie de notre vol serait très long. Le groupe duquel je faisais parti est allé à Kaduna pour embarquer sur un avion "Dakota" des États-Unis. Comme tous nos déplacements au Nigeria, le chemin a été long. Arrivés à l'aéroport de Kaduna nous avons été hébergés dans des grandes guitounes bien aménagées et ça a été notre première rencontre avec la qualité supérieure des services américains.
Les Américains nous avaient fourni un "breakfast" superbe qui était tout nouveau pour nous. A 3 heures du matin nous n'avons pas pu y faire justice. Il y avait des jambons et viandes superbe, des céréales de toute sorte, du pain, du beurre, des gâteaux, des jus de fruits (orange, tomate et ainsi de suite) café, thé.
Tout était superbement présenté sur des grandes tables avec des belles nappes. Nous étions servi par des hommes en pantalon noir et veste blanche. J'étais un peu honteux de ne pas pouvoir faire honneur à tout ce qui étais devant nous et à tout ce qui avais était fait pour nous présenter un si beau breakfast, mais il était trois heures du matin. Le tout était très américain et nous n'y étions pas habitués. Nous avons laissé les tables presque aussi chargées que quand nous nous sommes assis. Le café était très bon et le pain aussi et, avec du beurre, c'était parfait.
Nous sommes partis vers les Dakotas quand il faisait encore nuit, pour partir au premier jour. Il y avait un problème. Nous avions droit à un sac d'un poids maximum et, nous avons été pesés et notre sac aussi.
Nous avions dans nos sacs des souvenirs, ainsi que nos quelques effets. Les autorités américaines était très ferme question poids. Il a fallu laisser bien des chose sur place. Des objets superbes en ivoire et en bois de l'AEF et du Congo. Des objets en bois de Fort Archambault et Fort Lamy. Des objets en métal de toute sorte du Nigeria. Il y avait un beau tas de chose de toute sorte, même des peau de serpent. J'avais gardé les lettres que j'avais reçu de ma famille et de mes amis. Je les ai brûlées !
Finalement, et dans un bref délai chaque sac était au-dessous de poids voulu. Nous avions chacun gardé une petite pièce ou un petit souvenir du long voyage de Point Noire à Kano. Pour moi c'était un jeu de dominos du Congo Belge !
Il faisait juste jour quand nous sommes partis de Kaduna pour El Obeid qui était bien long. Je crois que pour nous tous c'était notre premier vol en avion. Le Dakota était un avion bi moteur avec une rangée de sièges en métal sur tout le long de chaque côté de l'avion (les sièges faisait face à l'intérieur). L'un en face de l'autre nous avons eu des heures pour nous contempler.
Il y avait un indicateur qui pour nous indiquait quand il fallait être assis et attaché. Avec une rangée de siège de chaque côte de l'avion il y avait de la place au milieu. Quand nous pouvions nous nous déplacions dans l'avion. Nous allions voir le pilote et son radio et nous pouvions regarder le désert autour de nous. En dehors d'une rangée de montagnes ça n'a été que du sable. Il faisait très chaud et nous avions de l'eau avec nous et un casse croûte fourni à Kaduna.
Je ne me souviens pas combien de temps pour arriver à El Obeid mais je crois qu'il était deux ou trois heures de l'après midi.
El Obeid a été un moment de repos pour le pilote et nous avons pu nous délasser. La chaleur là était très forte. L'aéroport était simplement un point pour faire le plein de pétrole. En dehors d'un bâtiment en bois très bien aménagé, et un bar où nous avons pris des rafraîchissements, il n'y avait rien. Je ne me souviens pas d'avoir vu la ville d'El Obeid de l'aéroport.
Nous sommes repartis d'El Obeid le même jour mais je ne me souviens pas où nous avons atterri en suite. Je nous vois à un moment à la fin (ou au début) d'une ligne de chemin de fer en pleine brousse. La chaleur était énorme. Le train, qui heureusement n'avait pas de vitres, était là et tout a été bien organisé. Nous avons continué notre chemin.[ Émile Fray a dit que l'avion a atterri à El Obeid comme un arrêt d'urgence en raison de la radio de l'avion ont échoué. L'avion voyage se termine à Ondurman aéroport, près de Khartoum. Puis elles ont toutes été prises par camion au camp de l'armée à Khartoum. Gaston a simplement déplacé le trajet en train de Khartoum à Wadi Halfa]
Khartoum
Nous sommes arrivés dans un grand camp militaire à Khartoum, en plein sable. Nous étions dans des petites guitounes. Il n'y avait pas de confort du tout mais ce n'était pas grave. Notre plus grand méconfort était les puces de sable du Soudan. Elles piquaient beaucoup et, il a fallu le supporter.
Nous sommes restés à Khartoum une semaine ou deux. La nourriture était épouvantable et, je crois que nous avons réclamé. De temps à autre nous allions dans la ville qui était assez loin du camp. Ma dysenterie me causait toujours des ennuis et, notre séjour là a dû être d'au moins deux semaines car le docteur anglais que j'ai vu au camp m'a envoyé à l'hôpital et, je suis revenu à temps pour partir avec mes camarades.
Quand nous étions à Khartoum notre camarade Simon, un grand jeune garçon de 19 - 20 ans, très blagueur, avec un grand sourire est tombé malade d'une bilieuse. Il a dû mourir après notre départ car nous n'avons pas été à son enterrement. Il ne parlait pas du tout l'anglais. Il a du se voir mourir et ça a du être très dur pour lui, si loin de chez lui et de sa famille, sans pouvoir leurs dire ou leurs écrire le moindre petit mot. Bien longtemps après je pense à lui de temps à autre, car nous avons dû de laisser sur place, sans un mot. C'est dommage mais notre chemin a été parfois bien difficile. Je me demande parfois si son corps est resté au Soudan ou est revenu en France.
Mon prochain clair souvenir est d'être à Wadi Halfa et d'avoir embarqué sur un bateau à aubes de l'agence Cook, mais je ne sais pas si c'était avant ou après un autre voyage par train. Cette partie de notre déplacement reste confuse. Ayant regardé une carte au moment d'écrire la suite je vois que Wadi Halfa était au-dessous de Khartoum et je pense que nous sommes partis par bateau.
Le voyage de Wadi Halfa a été très beau car le Nil est un fleuve superbe. Le bateau de l'Agence Cook était très bien aménagé et pour nous c'était le grand confort. Il y avait beaucoup à voir le long du fleuve. Des beaux monuments de l'ancienne Égypte. Des grands rangées de montagnes qui paraissaient noires, mais en général c'était le désert. Les indigènes étaient pour moi, très beau car il avait tellement de belles figures parmi eux.
Après un assez long voyage en bateau nous avons débarqué pour prendre un train égyptien sur lequel nous sommes restés deux jours ou trois car il y avait de très longs arrêts. Il y avait une ligne et les trains devaient se croiser ! Il fallait attendre à des endroits prévus.
Les premières nuits ont été très humides car nous étions le long du Nil. Les trains n'avais pas de vitres et comparé au Nigeria, El Obeid, Khartoum, il ne faisait pas très chaud. Les arrêts du train en gare étaient difficiles. Il y avait beaucoup de mendiants très très pauvres et en très mauvaise santé. Ils se penchaient dans le train pour nous demander à manger ou quoique ce soit.
Le Caire.
Arrivé au Caire, nous étions tous un peu plus pauvre qu'à notre départ de Khartoum. Mais une fois en Égypte nous avons fait face à la réalité que nous ne pouvions pas donner et donner. L'Égypte a été le premier pays dans lequel j'ai vu tout de la pauvreté, des mendiants et, de la maladie. Le Caire m'a paru très beau et j'ai eu le temps de voir de superbes monuments d'il y a bien longtemps. Nous sommes allés au Camp de Ména, un camp anglais, bien aménagé. Ce camp était au pied des pyramides et du sphinx. Il était en plein sable, sans le moindre arbre. Nous étions quatre par guitoune qui était au-dessus d'un trou que nous avions fait dans le sable pour avoir de la fraîcheur. Nous mangions au plein air mais à l'abri du soleil. La cuisine était très modeste et anglaise comme le camp dans lequel nous avions été à Khartoum.
Il n'y avait pas grand chose à faire car nous attendions de continuer notre déplacement qui avait pour but de réunir les FFL. Les Anglais du camp était habitués au "Free French" car beaucoup de nos camarades avaient passé avant nous. Nous avions des permissions de sortie au Caire ou aux pyramides de temps à autre. La seule distraction au Camp de Ména était de jouer au football et, dans le sable c'était un travail. A cause du sable il n'y avait pas de lignes et c'était au coup d'œil !
Un soir quand il faisait nuit quelqu'un est passé parmi nos guitounes pour nous dire qu'il fallait nous rassembler à la NAAFI car il y avait là un officier qui était venu soit de France, soit d'Afrique du nord qui voulait nous parler. C'était le Colonel Malaguti, un homme des chars lui aussi. Je ne me souviens pas des détails de ce qu'il nous a dit mais j'ai un très vif souvenir de son émotion évidente quand il nous a vu rentrer dans le NAAFI et, du grand honneur qu'il nous a fait en nous félicitant de ce que nous avions fait depuis 1940 et, en nous disant, merci. Ça a été un moment très spécial car, en vérité nous avions été jusqu'à présent une compagnie qui vivait dans elle-même et, pour ma part, je ne savais pas ce que les Français pensaient de nous.
Le Colonel Malaguti devait venir de France car, il nous a parlé de la France et de toute sa misère sous l'occupation. Je me souviens de sa grande colère en parlant de tout ce que la France subissait. C'est dans celle ci que le «En Tuer» est né et c'est lui qui nous a dit ces deux mots. Je garde un très vif et très précieux souvenir de cette occasion. C'était le commencement d'une autre étape vers notre but. Quelqu'un hors de la compagnie nous avait dit «Merci»!
Il n'y avait rien à faire à Ména qui avait un terminus de tramway prés des Pyramides que nous avons visité assez souvent. De temps à autre nous allions au Caire où nous avons trouvé une vie qui nous était inconnue ou pour certain, oubliée. Inévitablement, nous étions sujets à une vie très commerciale car le Caire avait vu beaucoup de militaires avant nous.
Une ou deux fois je me suis trouvé avec le Lieutenant Michard. Je ne me rappelle pas de circonstances exactes mais un jour je me trouvais sur le tramway avec le Lieutenant Michard et nous étions tous deux debout. Comme pour ainsi dire tous les transports il n'y avait pas de vitres. Le Lieutenant était appuyé sur son bras qui était près d'une fenêtre quand une main est apparue de l'extérieur quand nous étions à un arrêt. J'ai eu juste le temps de voir une lame de rasoir couper le cuir de la montre qui était au bras du Lieutenant et, la montre disparaître. Lui aussi s'en est aperçu mais trop tard. C'était un professionnel car il n'a pas coupé la peau du bras au Lieutenant. Le tramway étant arrêté nous avons sauté à terre pour poursuivre le voleur mais nous nous sommes vite aperçus que c'était du temps perdu. Nous avons pris le tramway suivant.
Nous n'avions pas de chars et nous regardions les chars anglais de temps à autre. Je crois que certains venaient d'une usine de réparation à Tel El Kebir. J'ai bien fixé dans ma mémoire l'arrivée d'un char, (un Crusader ou un Matilda). Le pilote est monté sur l'arrière pour mettre de l'eau dans le radiateur. Il a dévissé le bouchon du radiateur et a reçu en pleine figure une explosion de vapeur qui l'a terriblement brûlé.
La dysenterie m'ennuyait beaucoup jour et nuit, et je suis allé au docteur du camp qui m'a envoyé à l'hôpital du Caire. J'étais très maigre et très fatigué et quelques jours après mon entrée à l'hôpital je me suis réveillé un matin et je ne pouvais pas parler ou faire le moindre son avec ma voix. Je ne souffrais pas et j'avais les bons soins dès sœurs et des docteurs français.
Le Lieutenant Michard venait me voir de temps à autre et, aussi mes camarades. Je les écoutais mais je ne pouvais pas répondre ! Au bout de deux ou trois semaines le docteur m'a dit qu'il ne pouvait rien faire pour moi au Caire et j'allais être envoyé à Beyrouth où je verrais un spécialiste. Quand le Lieutenant Michard est venu je lui ai écrit ce que l'on m'avait dit et il est allé se renseigner. Le même jour il m'a apporté mes bottes et moustiquaire que j'avais depuis notre départ d'Angleterre, un short, une chemise et mon béret ainsi que mon insigne France Libre car, il avait appris que j'allais partir très prochainement. Ça a été un au revoir très spécial car nous étions officier et soldat très unis l'un à l'autre. La dysenterie avait été soignée et allait mieux. A part le fait que je ne pouvais pas parler je me portais bien.
Voyage en Beyrouth et Retour.
Les services à l'hôpital m'ont obtenu un titre de transport et je suis parti me présenter à l'officier des transports ( Je crois qu'il s'appelait "RTO" Railway Transport Officer). Il m'a validé mon titre de transport et j'ai embarqué sur le train pour Beyrouth. Il peut faire très froid en Palestine et je m'en suis aperçu pendant le voyage. Ça a été un très long voyage très monotone. Je me souviens de la ville de Haiffa mais c'est tout. Ça a été un voyage de jour et de nuit. J'ai trouvé le Liban plus beau que la Palestine et, sur tout notre chemin, il y a toujours eu quelqu'un qui voulait me vendre soit à manger, soit des souvenirs. J'avais de l'argent car je n'avais rien dépensé à l'hôpital. Le voyage par train le long de la côte du Liban a été très beau et très spectaculaire car la ligne de chemin de fer était le long de la mer. Beyrouth était une très belle ville et, arrivé là je suis allé à l'hôpital où je devais me présenter.
On m'a donné un lit très confortable dans une atmosphère très fraîche et calme et il y avait des infirmières françaises. J'ai vu le spécialiste qui était en uniforme d'officier français. Lui aussi était chaleureux pour les FFL et c'était réconfortant. Il m'a dit que j'avais une paralysie des cordes vocales et que le seul traitement était du repos, de l'apéritif avant chaque repas, de la bonne nourriture et du vin. Il m'a dit qu'il pensait qu'à la longue je devrais faire quelques sons et ensuite parler petit à petit. Il m'a surveillé pendant deux semaines environ et, j'ai continué à écrire des réponses à ce que l'on me disait ou, pour demander ce que je voulais. Comme je me portais bien l'infirmière principale m'a dit que je devais partir en ville un peu. J'avais avec moi un camarade malade qui était venu de Djibouti et nous sommes allés au cinéma voir "Gone With The Wind". Ça a été très agréable. Une autre fois j'ai été en ville me faire photographier pour ma mère.
Beyrouth n'était pas toujours calme et je pense qu'il y avait des problèmes politiques ou autre. Le jour où je suis allé au photographe avec mon camarade de Djibouti j'ai entendu le bruit d'une foule qui venait d'une rue et j'ai vu les propriétaires des magasins fermer les volets. La foule est apparue sur la place principale. Je ne sais comment ça c'est passé mais à ce moment là j'ai vu 15 à 20 soldats anglais qui ne voulait pas se déplacer du chemin de la foule. Inévitablement ils ont été frappés à coup de bâton et autre et certains ont réussi à se sauver. Moralement mon camarade et moi aurions dû les aider mais la situation était impossible et, nous aurions subit le même sort. Nous sommes partis dans l'autre sens.
Le docteur m'a dit que je serais mieux dans la montagne près de Beyrouth dans une maison de convalescence militaire. Je suis allé à Sofar dans une grande maison très agréable où nous étions deux ou trois par chambre. Il y avait salle de jeu, salon et ainsi de suite. Et j'avais toujours de l'apéritif, la bonne nourriture et du vin, comme tous les autres malades d'ailleurs. Il y avait deux ou trois légionnaires FFL ainsi que d'autre FFL. Parmi eux il y avait un garçon qui lui aussi était venu de Camberley. Je ne sais comment ni où, mais un grenade à ruban anglaise lui avait explosé dans ses mains. Il s'était remis mais ses mains étaient démolies. Il avait été blessé au ventre et à la poitrine et hélas, il était aveuglé. Il était remis de ses blessures et attendait la fin de la guerre pour rentrer chez lui. [Le jeune homme a dû attendre la fin de la guerre pour rentrer la France, parce que les Français Libres sont proscrit et les volontaires sont hors-la-loi.]
Je passais mon temps à lire (il y avait un libraire) à écouter la radio et à me promener. J'étais emmené à Beyrouth de temps à autre pour voir le spécialiste et au bout d'environ deux mois j'ai entendu un tout petit son venir de ma gorge. Le spécialiste m'a dit que j'allais me remettre !
Au bout d'un autre mois je parlais comme si j'avais un gros mal de gorge. Le spécialiste m'a dit que c'était maintenant simplement une question de temps. Je lui ai dit que je tenais à retrouver la compagnie et mes camarades et d'ici huit jours j'étais en route par train de Beyrouth au Caire. Encore un beau voyage mais aussi, un voyage fait avec beaucoup de joie car, ma vie était dans la compagnie. Arrivé au Camp de Ména j'ai vu que la compagnie n'était pas là. Je crois qu'un camarade me l'avait écrit et que j'avais rencontré quelqu'un à Beyrouth qui me l'avait dit.
Je suis allé voir le commandant du camp (un anglais) qui m'a dit que je devais attendre pour partir et j'ai touché une couverture et, je me suis retrouvé dans le sable et, sous une guitoune! D'ici deux ou trois jours je n'étais pas bien. Je devais me forcer à manger et je vomissais. Il faisait très très chaud. La nourriture, un cataplasme de riz, était très mauvaise. Comme je vomissais mon manger, j'ai bu de la bière mais, même résultat. Le docteur du camp m'a donné des médicaments qui m'ont aidé.
J'ai été voir le commandant de camp pour lui dire que j'aimerais parti bientôt. Je savais que la compagnie était prés de Tripoli. Il m'a dit que je devrais partir d'Alexandrie par bateau mais que ça serais dans une huitaine de jours. J'avais peur de retomber malade au Caire. La ligne de chemin de fer passait prés du Camp de Ména et j'ai décidé de sauter dans un train de marchandise. Je me suis présenté au "Transport Officer" à mon arrivé à Alexandrie. Quoique sans papiers de déplacement, j'ai été bien reçu. J'ai expliqué ce qui m'était arrivé trois mois plutôt et que je tenais à rejoindre ma compagnie. L'officier à Camp de Ména avait raison. Il n'y avait pas de bateau pour Tripoli avant une semaine et j'ai pris patience.
A Alexandrie je suis allé au "transit camp". Ayant un "pay book" je n'ai pas eu de problème. J'ai rencontré d'autres FFL qui allaient à Tripoli. Parmi eux il y a une vingtaine d'indigènes de Tahiti. Nous sommes restés ensemble jusqu'à notre arrivée à Tripoli. Parfois nous avons rencontré des marins Vichy à Alexandrie. Comparé à nous ils étaient bien habillés, bien alimentées et n'avaient aucune honte. Nous aimerions crier à eux, les railleries, «Ce serait un changement agréable pour vous de faire un peu de combats», et celui commencerait la bagarre ! Nous avons eu des pugilats énormes avec eux, dans des cafés ou dans les rues.
Dans le paquebot il y avait tout ceux qui devaient rejoindre leurs unités. Les Tahitiens de la France Libre nous ont chanté leurs belles chansons. Je me souviens d'eux avec affection. Le voyage vers Tripoli a été bref mais agréable.
Arrivés à Tripoli nous avons débarqué sous commandement anglais. Tout le monde a débarqué sur le quai, des soldats de toutes nationalités; Anglais, Nouveau Zélandais, Polonais, Indien et autres. Nous avons été mis en rang avec tous nos mélanges d'insignes et de bérets et ainsi de suite. Nous sommes partis en rang et au pas avec ce que nous portions à la main ou sur le dos jusqu'à un endroit où il y avait un grand nombre de camions. Nous étions des centaines. Ça a été bien organisé et les Français Libre ont eu leurs camions qui est parti faire un assez long trajet.
Gaston Eve.